[MUSIQUE] Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo, dans laquelle nous allons aborder une question simple. L'avenir est-il un avenir sans énergie? Question simple, réponse simple. Un avenir sans énergie est improbable. On peut faire remonter à 800 000 ans, le lien entre l'énergie et le développement humain avec la domestication du feu. Mais passons rapidement sur 799 785 années pour arriver au début du XIXe siècle. Car en réalité, c'est la révolution industrielle qui scelle clairement le lien entre énergie et développement économique. L'alliance entre une source d'énergie et un moteur a permis de décupler le travail mécanique et donc la productivité. Par exemple, un moteur de camion est 4 000 fois plus puissant que son conducteur. La grande révolution, la grande rupture, ce fut la machine à vapeur de James Watt, en 1769, qui se développe ensuite à partir de 1830. Et puis, d'exploitations industrielles du brut en 1850 avec les tous premiers puits à Bakou et en Roumanie. Et enfin, le gaz naturel, exploité lui à partir de 1950. L'énergie fossile sera donc le moteur de la révolution industrielle, puis le pilier de la croissance des Trente Glorieuses. Et vous savez qu'on envisageait même, en 1950, que le nucléaire soit la nouvelle source d'énergie inépuisable des pays du sud. Les Nations Unies avaient même développé un programme d'accès à l'énergie atomique qu'on appelait Atoms for Peace. De fait, le lien entre consommation d'énergie et croissance du PIB est même statistiquement prouvé. Ce graphique est assez éclairant. Depuis 1960, et nous pourrions même remonter plus loin dans le temps, la corrélation est totale. Le lien entre croissance et énergie est donc prouvé, de même que le lien inverse, entre tension énergétique et crise. En effet, comme vous le voyez, en se penchant sur le graphique suivant, on voit très clairement que la baisse de la disponibilité de l'énergie précède d'environ trois ans, les crises économiques. L'histoire nous a donc montré le lien entre énergie et développement. Mais pourrions-nous imaginer un avenir où l'amélioration des techniques d'économie d'énergie nous permettrait de nous passer d'énergie? A court terme, honnêtement, c'est improbable. Mais avant de commencer, juste une petite précision. On parle souvent d'efficacité énergétique. C'est une erreur. Il faut en fait parler d'intensité énergétique. C'est-à -dire la quantité d'énergie primaire consommée par point de PIB. L'efficacité est une autre question. C'est celle de la moindre perte d'énergie entre l'énergie produite et l'énergie consommée. Pendant très longtemps, la question de la disponibilité des énergies et des émisions des gaz à effet de serre ne se posait pas. Donc nous n'avons que très marginalement cherché à limiter notre consommation d'énergie. Mais avec la hausse du prix des énergies et avec la conscience climatique, l'intensité énergétique s'est substantiellement améliorée dans le monde. Depuis 1990, elle s'est améliorée de 36 %. C'est un progrès, mais il est très insuffisant. Si nous voulons respecter les objectifs du GIEC, il faudra doubler ce rythme, 60 % d'ici 2040. Deuxième problème. Comme je vous le disais, l'intensité est l'énergie utilisée par point de PIB. Bien évidemment, si le PIB mondial augmente substantiellement, la demande d'énergie elle aussi va mécaniquement s'accroître. Or, les perspectives de croissance annuelle sont de 2,2 % dans les pays de l'OCDE et de 4,8 % dans les pays non OCDE d'ici 2030. Donc nous connaîtrons une hausse de la demande d'énergie en valeur absolue. Les différentes sources estiment que la croissance de la demande d'énergie sera de 30 à 40 % d'ici 2030. Et l'Agence internationale de l'énergie, qui fait plutôt consensus, avance le chiffre de 37 %. La grande majorité, 90 % de cette hausse de la demande d'énergie, sera hors OCDE, ce qui est une une évolution très souhaitable pour ces pays défavorisés. Car n'oublions pas que 1,2 milliard de personnes dans le monde vivent encore aujourd'hui sans électricité. Par contre, pour les pays développés, il est souhaité et souhaitable qu'ils réduisent leur consommation d'énergie en valeur absolue. Pour donner un ordre de grandeur, sachez qu'un Américain consomme presque quatre fois plus d'électricité qu'un Chinois. Et même en 2040, il consommera encore deux fois plus d'énergie. Pour répondre à la demande croissante mondiale, nous sommes donc dans l'obligation de trouver de nouvelles sources d'énergie. Quelles énergies allons-nous utiliser? Nous avons fait historiquement le choix des énergies fossiles. Et c'est un héritage lourd, puisqu'elles représentent encore 81 % des énergies mondiales. Le nucléaire, lui représente 5 %. Quant aux énergies renouvelables, telles que les éoliennes, la biomasse ou la géothermie, elles ne contribuent qu'à hauteur de 14 % au mix énergétique mondial. A court terme, c'est-à -dire d'ici 2040, il est peu probable que les énergies renouvelables remplacent les énergies fossiles. La forte croissance de l'énergie sera principalement fossile. Regardez ces camemberts prospectifs. Comme on peut le voir, en 2040, 74 % des énergies sera fossile. Et la plus forte hausse sera celle du gaz, dont le gaz non conventionnel, c'est-à -dire ce qu'on appelle les gaz de schiste. Et même si la part des énergies renouvelables augmente fortement, elle restera minoritaire, moins de 20 % du mix énergétique. A ce stade, il me semble utile de faire un petit détour par les hydrocarbures non conventionnels, c'est-à -dire ce qu'on appelle les huiles ou les gaz de schiste. Il y a énormément de voix dans le monde pour plaider leur développement. Elles seraient à leurs yeux une réponse à la raréfaction attendue des énergies classiques. Et ils nous permettraient de réduire donc notre dépendance énergétique, c'est-à -dire l'obligation que nous avons d'importer des énergies provenant d'un nombre de plus en plus restreint de pays. Des hydrocarbures non conventionnels sont, en effet, potentiellement présents dans un grand nombre de pays en Amérique du Nord, en Asie et même en Europe. Mais les arguments contre leur exploitation sont aussi très nombreux. D'une part, les arguments environnementaux. Le principal n'est pas tellement leur mode d'extraction, mais leurs conséquences climatiques. Ce sont des énergies fossiles qui émettent des gaz à effet de serre. Mais pire, chaque puits d'hydrocarbure perd 4 à 8 % de son méthane dans l'atmosphère, ce qui est l'un des gaz les plus puissants en termes de réchauffement. D'autre part, les arguments économiques. Le coût d'exploitation des réserves en Europe serait deux à trois fois plus cher qu'aux États-Unis. Les études d'A. T. Kearney ou de Bloomberg New Energy Finance montrent que de nombreux facteurs interdisent d'extrapoler le succès des gaz de schiste des États-Unis au reste du monde. En France, par exemple, contrairement aux États-Unis, les réserves potentielles de gaz de schiste ne se situent pas dans de grands espaces inhabités, mais des zones très souvent urbanisées ou d'accès difficile. Par conséquent, l'Agence internationale de l'énergie ne voit pas d'avenir à cette énergie après 2020. Cette petite parenthèse nécessaire étant fermée, revenons aux énergies classiques. Nous avons donc constaté que la croissance de la demande d'énergie sera forte. Les perspectives de raréfaction des énergies fossiles, et donc de hausse de leur prix, seront-elles un frein à cette croissance? Il y aura sans doute des tensions fortes. Au rythme actuel de consommation, il reste environ 79 ans de réserves disponibles d'énergies fossiles, 56 ans de pétrole et de gaz naturel, 110 ans environ de charbon et 81 ans pour l'uranium. Il y aura donc des tensions croissantes sur les prix. Mais elles ne seront pas suffisantes pour inverser la tendance à court terme. C'est donc une évolution mondiale dramatique, j'en suis désolée, que l'on vous annonce. Si nous respections les recommandations du GIEC pour que la hausse des températures ne dépasse pas les 2 degrés Celsius à la fin du siècle, il faudrait limiter nos nouvelles émissions de gaz à effet de serre à 1 000 gigatonnes. Les perspectives de demande d'énergies fossiles montrent que nous aurons dépassé ce quota de gaz à effet de serre bien avant 2040. En d'autres termes et plus clairement, au rythme actuel, les températures augmenteront de plus de 3,6 degrés Celsius à la fin du siècle. Vous l'avez compris, l'enjeu prioritaire est de mettre fin au choix des énergies fossiles. Et je parle bien de choix. Car ces énergies sont subventionnées à hauteur de 550 milliards d'euros, soit quatre fois plus que les énergies renouvelables dans le monde. Il nous appartient maintenant de faire le choix inverse, le choix des énergies renouvelables et sans carbone. Pour résumer, nous avons constaté le lien historique entre énergie et développement. Nous utilisons aujourd'hui majoritairement des énergies fossiles, qui sont source de gaz à effet de serre et de pollution. Pour respecter les objectifs fixés par les experts du climat, nous devons réduire l'énergie nécessaire par point de PIB et réduire substantiellement le recours aux énergies fossiles. Ce n'est donc pas la demande d'énergie qui est une menace pour la planète, ni l'accès universel à l'énergie, mais bien le gaspillage d'énergie et le choix des énergies fossiles. Merci de votre attention. [AUDIO_VIDE]