[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour à tous et bienvenus dans cette nouvelle vidéo. Vous avez tous entendu parler de décroissance ou de croissance 0. Ces théories se sont développées depuis le rapport Meadows, en 1970, intitulé The Limits to Growth. C'est la première grande étude qui doute de la soutenabilité écologique de notre modèle de croissance. Elle a été vivement contestée. Mais avaient-ils raison? Notre modèle de développement est-il soutenable? L'histoire récente, depuis le début du XXème siècle, est marquée par une forte croissance économique et démographique. Depuis 1960, le PIB mondial a été multiplié par 5,8 soit une croissance moyenne annuelle de presque 4%. Quant à la population mondiale, qui était stable pendant des siècles, de l'ordre de 500 millions d'âmes, elle a quasiment triplé depuis 1950 pour atteindre 7,2 milliards d'habitants. Et les perspectives sont de 9,6 milliards d'habitants en 2050. La bonne nouvelle est que le niveau de vie moyen va augmenter et l'espérance de vie devrait atteindre 76 ans dans le monde. La mauvaise nouvelle est que nos ressources s'amenuisent. On peut émettre des doutes sur la soutenabilité de cette double croissance démographique et économique. Quatre grands défis de ressources mettent en question notre modèle de développement. Le premier défi est celui de l'eau. Depuis 1950, la consommation d'eau a presque quadruplé. Un tiers de l'humanité manque d'eau, et la moitié de l'humanité boit une eau sale faute d'assainissement. Or, l'eau sale tue. Et en 2030, la pénurie va s'aggraver. Les besoins en eau de l'humanité vont excéder de l'ordre de 40 % les ressources. Encore une fois, comme vous le voyez sur cette carte, ce sont souvent les régions les plus pauvres qui sont le plus touchées. Le Moyen-Orient, le Nord de l'Afrique, l'Inde et une partie de la Chine. Deuxième défi, l'alimentation. Presque 800 millions de personnes souffrent de la faim. Et d'ici 2050, l'ONU estime qu'il faudra accroître de 60 % la production agricole mondiale, et même de 100 % dans les pays en développement. Or, les dérèglements climatiques vont réduire la productivité agricole mondiale d'environ 25 %. Le pire est que la question n'est pas celle de la capacité de notre planète à nourrir les humains. La question est celle de notre modèle agricole. Je m'explique. La production agricole mondiale fournit théoriquement aujourd'hui 3 000 calories par jour par habitant, ce qui est largement suffisant. Mais nous en perdons 30 % à la production et nous en gaspillons 25 % à la consommation. À cela s'ajoute un régime alimentaire fortement carnivore sur lequel je reviendrai dans une prochaine vidéo. Ce régime alimentaire occidental qui se répand dans le monde exige beaucoup d'eau, entre 5 et 10 fois plus d'eau qu'un régime végétarien. Nous avons donc l'obligation de revoir notre modèle de production agricole. Troisième défi, les ressources énergétiques. Mais nous avons déjà étudié ce point dans une précédente vidéo. Je ne reviendrai donc pas dessus. Quatrième défi, les ressources matières. Les prélèvements sur les ressources naturelles ont augmenté de 65 % en 35 ans. Il devrait encore croître de 30% dans les seules 10 prochaines années. C'est un rythme exponentiel. D'ici 2030, la Chine va consommer la moitié du ciment du monde. Les réserves de minérais métaux stratégiques manquent, le zinc, l'étain, mais aussi les réserves d'autres matières nécessaires pour les industries du numérique, de l'énergie ou de la santé. Elles sont estimées entre 10 et 20 ans seulement. Au delà de la question de la ressource, la soutenabilité de notre modèle de développement est une question de justice et d'éthique. Les inégalités mondiales sont caricaturales et s'accroissent. Alors qu'un milliard d'habitants vit avec moins de 2 $ par jour, 1 % de la population mondiale concentre presque la moitié des richesses de la planète. Les inégalités sont caricaturales, pire, elles s'accroissent. Alors que la première moitié du XXe siècle était plutôt propice à une réduction des inégalités mondiales, elles s'accroissent à nouveau depuis la fin des années 1970. Les dirigeants mondiaux ne sont pas ignorants de ces réalités. Les 193 états des Nations Unis ont signé en 2000 la Déclaration du Millénaire. C'est une Déclaration fondamentale qui s'était fixée 8 objectifs que vous découvrez pour 2015. Ces objectifs de réduction de la pauvreté et des inégalités sont une nouvelle approche très intéressante parce qu'ils combinent des objectifs économiques avec des objectifs de santé, d'éducation, d'égalité et d'environnement. En d'autres termes, le développement n'est plus considéré sous le seul angle de la production, il prend en compte le développement humain et écologique. Et ces engagements n'ont pas été vains. Ils ont eu des résultats concrets. L'extrême pauvreté dans le monde a diminué de moitié depuis 1990. Le taux d'alphabétisation a augmenté de 10 points. Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué de moitié. Autre exemple, les pays développés ont augmenté leur aide au développement de 66 % depuis 2000. Il y a donc des raisons objectives de croire que notre modèle de développement peut évoluer positivement vers une croissance soutenable. Mais ceci suppose aussi d'avoir un regard critique sur les indicateurs qui fondent aujourd'hui notre vision du développement. Nous nous focalisons sur l'évolution du PIB, du Produit Intérieur Brut. Or, son inventeur, Simon Kuznets, nous prévenait déjà en 1937, la mesure du revenu national peut difficilement servir à évaluer le bien être d'une Nation. Pourquoi? Le PIB est la somme des valeurs ajoutées, essentiellement issues de la production marchande, c'est-à -dire des biens et services produits dans un pays. Plus de 17 000 de milliards de dollars aux Etats-Unis en 2014, presque 3 000 milliards en France. Il était logique, après guerre, de mesurer la richesse d'un pays à sa production, puisque l'objectif de la reconstruction était d'augmenter rapidement la quantité de biens créés. Mais le PIB ne s'intéressait pas aux conséquences négatives de la production. Le coût des pollutions n'est pas compté, ni notre état de santé, ni notre niveau d'éducation ou les services rendus par les bénévoles. À l'inverse, sachez que le PIB augmente quand la déforestation s'accroît ou quand les accidents de la route se multiplient. Le PIB n'est donc pas la mesure de notre bien-être ou de l'état de la planète. Les dirigeants sont conscients, aussi, de ces limites, et il existe de nombreux travaux pour compléter ou remplacer le PIB. Les plus connus ont été ceux d'une équipe dirigée par deux Prix Nobel, Stiglitz et Amartya Sen en 2009. Leur rapport recommande un double changement de paradigme. Il recommande de s'intéresser aux ménages plus qu'à la production, et il recommande de privilégier le bien-être à la seule mesure monétaire. Ce rapport n'est pas resté lettre morte. Depuis 2011, l'OCDE travaille sur le Better Life Index, pour mieux prendre en compte les préoccupations de l'homme. L'INSEE, en France, travaille sur de nouveaux indicateurs. Mais nous ne sommes qu'aux prémices de cette réflexion. Or, il a fallu presque 30 ans pour que le PIB soit reconnu comme la boussole mondiale commune, et nous n'avons pas 30 ans devant nous pour changer notre modèle de développement. Vous l'avez compris, il existe des limites environnementales et éthiques à notre modèle de développement. De nouvelles approches émergent, mais encore trop lentement. Je vous remercie. [AUDIO_VIDE]