[MUSIQUE] [MUSIQUE] Qu'est-ce que la philanthropie? À quoi ce mot un brin savant fait-il référence? Qu'en est-il du mécénat et du don? C'est ce que nous allons découvrir ensemble dans cette vidéo. Dans le langage courant, la philanthropie désigne de nos jours l'ensemble des dons privés librement consentis en faveur d'organismes agissant dans l'intérêt général. Lutte contre la pauvreté, éducation, santé, recherche scientifique, environnement, art et culture, mais le sens du mot a bien évolué depuis sa création. Remontons au Ve siècle avant notre ère. Le terme de philanthropie a été utilisé la première fois en Grèce dans la célèbre tragédie Prométhée enchaîné, attribuée à Eschyle. Dans ce texte, Prométhée fait don du feu aux hommes, mais aussi des arts et de la science, transgressant la volonté des dieux d'anéantir et de remplacer la race humaine. Mot composé de philos, aimer, être l'ami de, faire du bien, et anthropos, l'être humain dans son universalité, la philanthropie est ainsi définie comme l'amour de l'humanité. Elle diffère de l'amitié, car elle concerne tous les hommes en général et non certains individus en particulier. Son usage dans la Grèce antique se répand au IVe siècle avant notre ère, avec les philosophes Platon et Aristote, pour désigner ce sentiment qui pousse les hommes à venir en aide aux autres. Le mot va ensuite décliner à la fin de l'Antiquité, les Romains lui préfèrent le mot humanitas, et pendant tout le Moyen Âge, où le concept de charité s'impose en France et en Europe. La charité, c'est la vertu suprême de la théologie chrétienne, c'est l'amour du prochain comme créature de Dieu. Par extension, l'aumône est tout bienfait accordé à autrui, en particulier aux plus pauvres. Pour les catholiques, la charité exige de secourir ceux qui sont dans le besoin. À partir du Moyen Âge, comme nous le verrons dans une prochaine vidéo, l'Église et les congrégations bâtiront en Europe les premiers hôpitaux, hospices et orphelinats, financés par les dons et legs de la noblesse et de la bourgeoisie. Il faut attendre la Renaissance et la redécouverte des philosophes grecs pour que le mot philanthropie apparaisse en Europe. En 1612, chez Sir Francis Bacon dans la langue anglaise. Puis, un siècle plus tard en français chez Fénelon, qui l'a défini dans ses Dialogues des morts comme une vertu douce, patiente et désintéressée. À partir du XVIIIe siècle, la philanthropie n'est plus seulement une belle idée. Elle devient une pratique concrète, un mouvement social et politique d'une élite réformiste, laïque et libérale. Elle se pose comme une alternative à la charité chrétienne, en s'attaquant aux causes de la pauvreté, au lieu d'en soulager seulement les effets. Homme des Lumières, le philanthrope, c'est celui qui s'occupe activement des moyens d'améliorer la condition de ses semblables. Cela passe par le don financier, mais pas seulement. Les philanthropes lancent des pétitions, visitent les prisonniers, bâtissent des logements bon marché, encouragent l'épargne. Dans une vidéo suivante, nous approfondirons l'histoire des pratiques philanthropiques en France. Retenons à ce stade que le mot philanthropie connaît un véritable essor au XVIIIe et XIXe siècle, tout comme celui, nouveau lui aussi, de bienfaisance. Mais, avec la montée de la question sociale et les mouvements ouvriers de la fin du XIXe siècle, la philanthropie ne suffit plus et se retrouve contestée, notamment par les penseurs socialistes et solidaristes. La mise en place de l'État social au XXe siècle entraîne un déclin relatif de la philanthropie. Le mot paraît désuet, obsolète, et connaît une véritable hibernation. C'est désormais l'État qui va massivement prendre en charge les besoins auxquels les philanthropes avaient répondu au siècle précédent. Les rares fois où on utilise le terme, c'est pour parler de John Rockefeller ou Andrew Carnegie, les célèbres milliardaires américains ayant créé leurs fondations après avoir fait fortune dans l'industrie. Il faut attendre la crise de l'État-providence et l'essor de la société civile en France pour entendre à nouveau parler de générosité, de libéralité et de philanthropie. La Fondation de France, créée en 1969 pour développer la philanthropie dans notre pays, marque un tournant important. Dans les médias, la philanthropie est incarnée aujourd'hui par Bill Gates et Warren Buffett, depuis leur fameux Giving Pledge en 2010. Le terme est devenu synonyme de don financier conséquent ou de grande fondation. Le philanthrope apparaît comme un homme d'affaires richissime, américain, qui donne une partie de sa fortune, après l'avoir bâti lui-même de son vivant. Mais, il y a une tradition philanthropique dans la plupart des régions du monde. Ce ne sont pas seulement les riches ou les entrepreneurs qui donnent. Comme nous le verrons dans une prochaine vidéo, ces dons sont effectués par des particuliers comme vous et moi, par des personnes plus fortunées, qui créent leur propre véhicule juridique, souvent une fondation, ou encore par des entreprises. Vous l'aurez compris, le sens du mot a évolué au fil des siècles. Les trois couches successives se sont accumulées. D'abord, une vertu et une idée humaniste. Ensuite, un mouvement réformiste issu des Lumières. Enfin, les dons financiers en faveur de l'intérêt général. La philanthropie est tout ceci à la fois. Dans ce MOOC, nous nous concentrerons surtout sur ce troisième et dernier aspect. Avant de conclure cette vidéo, quelques mots sur un terme parfois utilisé comme un synonyme de philanthropie, le mécénat. Son origine remonte au Ier siècle avant notre ère. Caius Maecenas était un ministre de l'empereur Auguste et le premier protecteur des arts et des lettres. Un mécène, par analogie, c'est donc un personnage riche et puissant qui encourage et aide financièrement les artistes. Après la chute de l'Empire romain, les principaux mécènes ont été les seigneurs féodaux et les papes, qui faisaient vivre peintres, sculpteurs et artisans. L'âge d'or du mécénat, c'est la Renaissance avec le célèbre Laurent de Médicis, banquier et dirigeant de Florence, qui a soutenu Léonard de Vinci et Michel-Ange. Comme la philanthropie, le mécénat connaît un reflux en France à la fin du XIXe siècle, avec le rôle croissant joué par les marchands d'art, d'une part, et par l'État et les musées nationaux, d'autre part. Le mécénat retrouve une seconde jeunesse à la fin du XXe siècle. C'est Jacques Rigaud, premier président de l'Admical, qui réutilise le terme à partir de 1980, pour désigner les dons des entreprises en faveur de la culture. Par une curieuse évolution sémantique, le terme englobe désormais l'engagement des entreprises dans tous les domaines de l'intérêt général. Non seulement art et culture, mais aussi solidarité, éducation, environnement, santé, sport. Néanmoins, le terme mécène est encore utilisé dans le langage courant et dans les médias pour désigner un riche donateur, un collectionneur d'art, voire un propriétaire de club sportif, dont l'activité n'a rien d'un don sans contrepartie. En France, aujourd'hui, le mécénat est ainsi un terme fiscal, puisqu'il désigne un dispositif permettant aux particuliers et aux entreprises de réduire leurs impôts grâce à leurs dons à des organismes d'intérêt général. Nous en reparlerons dans une prochaine vidéo. Comme nos amis anglophones, nous n'utiliserons dans ce MOOC que le terme générique de philanthropie pour désigner tout don privé en faveur de l'intérêt général, quel que soit le domaine concerné ou l'identité du donateur. Terminons justement avec ce dernier mot-clé de notre MOOC, le don. Donner, c'est accorder gratuitement à quelqu'un la propriété ou la jouissance de quelque chose. Le don est à la fois l'acte de donner et la chose donnée. On peut donner de l'argent, des objets matériels, mais aussi son temps ou son sang, c'est-à-dire une part de soi-même. Ce qui caractérise le don, c'est sa gratuité, c'est-à-dire son absence de contrepartie ou de retour. Contrairement à une vente, un investissement ou un prêt, celui qui donne se dépossède de la chose donnée et n'est pas rémunéré. Nous le verrons dans la deuxième partie du MOOC. Le don n'est jamais complètement désintéressé, et une myriade de motivations existe. Une chose est sûre, le donateur n'a aucune garantie de recevoir quelque chose en échange de son don, même si cela arrive souvent de manière différée ou indirecte. Pour conclure, retenons que l'acte de don est toujours au cœur de ce qu'on appelle la philanthropie. [AUDIO_VIDE]