[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans nos voyages à la découverte de l'infiniment grand et de l'infiniment petit, nous utilisons des outils très variés, des accélérateurs de particules très puissants, des détecteurs gigantesques, des télescopes sensibles à de nombreux rayonnements, des satellites qui s'affranchissent de la barrière de l'atmosphère, car le objets à étudier sont apparemment très différents, des galaxies, des étoiles, des noyaux atomiques, des particules élémentaires. Mais en fait, ces recherches partagent de nombreux concepts communs, et ce sont souvent les mêmes idées théoriques qui permettent d'appréhender l'infiniment grand et l'infiniment petit. Nous allons voir quelques exemples de concepts et d'outils que les théoriciens des deux infinis ont effectivement en commun. Commençons par les grandes idées. Que ce soit pour comprendre l'infiniment grand ou l'infiniment petit, il faut s'appuyer sur les deux révolutions de la physique du XXe siècle. La première révolution est basée sur le principe de relativité, utilisé en particulier par Albert Einstein. Les lois de la physique doivent avoir la même forme pour un ensemble donné d'observateurs. Dans sa version restreinte, ce principe décrit des trajectoires d'objets allant à des vitesses proches de celle de la lumière. Au passage, il n'y a plus d'espace ni de temps indépendants, absolus, identiques pour tous les observateurs, mais un espace-temps dont les composantes se mélangent quand on passe du point de vue d'un observateur à un autre. Dans sa version générale, le même principe de relativité explique comment la présence de la matière modifie la structure de l'espace-temps. On aboutit ainsi à une théorie de la gravitation qui étend celle de Newton en particulier pour des objets très massifs ou se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière. La deuxième révolution, c'est la mécanique quantique, conçue par de nombreux physiciens théoriciens dont Niels Bohr, pour expliquer le comportement de l'atome et de ses constituants. En mécanique quantique, il n'y a plus de trajectoire parfaitement déterminée ni de certitude absolue sur toutes les caractéristiques d'un objet. Tout s'évalue et se comprend en termes de probabilités. Et pour calculer la probabilité de passer d'un état à un autre, il faut faire la somme de toutes les trajectoires intermédiaires possibles, contrairement à la mécanique classique qui ne considérait qu'une trajectoire et une seule. Les deux approches relativiste et quantique s'écartent violemment de la mécanique du XVIIIe et du XIXe siècles. Elles s'opposent à notre intuition de tous les jours sur la nature de l'espace, du temps, des objets qui nous entourent et de la connaissance que nous pouvons en avoir. Mais ces théories révolutionnaires se sont avérées parfaitement correctes, et elles sont nécessaires pour comprendre notre environnement direct, le système solaire. Sans relativité générale, impossible de comprendre l'orbite de Mercure, la planète la plus proche du Soleil. ou la trajectoire des satellites que nous envoyons dans l'espace. Sans mécanique quantique et relativité restreinte, impossible de comprendre les réactions thermonucléaires qui sont responsables de l'énergie fournie par le Soleil. Si nous avons besoin des même notions pour l'infiniment grand comme pour l'infiniment petit, c'est parce que dans les deux cas, nous voulons regarder des phénomènes à des énergies très élevées. Dans le cas de l'infiniment petit, nous voulons sonder la matière à des distances de plus en plus fines, ce qui nécessite des sondes avec des longueurs d'ondes de plus en plus petites, c'est-à -dire des particules avec des énergies de plus en plus élevées. Dans le cas de l'infiniment grand, certains processus astrophysiques font intervenir des énergies colossales comme la fin de vie des étoiles massives ou la production de rayons cosmiques. Mais c'est surtout quand nous voulons comprendre le passé de l'Univers que nous rencontrons des énergies incroyables. L'Univers est en expansion. Au fil du temps, il se refroidit et son énergie se dilue. Si nous cherchons à remonter au début de l'Univers, celui-ci était bien plus chaud, bien plus dense et bien plus énergétique que maintenant. Si nous comparons les deux domaines de recherches, les énergies atteintes jusqu'à présent en physiques des particules sont de l'ordre du TeV, du téraélectronvolt, ce qui correspond à environ un millième de milliardième de seconde après le Big Bang. Et dans cette gamme d'énergie, nous avons une très bonne description à notre disposition, le modèle standard de la physique des particules. Mais si nous voulons remonter plus tôt dans l'histoire de l'Univers, il faut certainement ajouter des ingrédients supplémentaires qui manquent au modèle standard. En effet, celui-ci n'est en mesure d'expliquer qu'environ 5 % du contenu énergétique actuel de l'Univers, et il n'explique absolument pas pourquoi la matière domine à ce point dans l'Univers par rapport à l'antimatière. Il est donc nécessaire d'étendre le modèle standard pour ajouter des ingrédients supplémentaires qui interviennent à très hautes énergies et qui répondent à ces questions. Les physiciens théoriciens construisent donc des modèles au-delà de ce modèle standard capables de résoudre au moins certains de ces problèmes. Si ces modèles peuvent permettre d'imaginer ce qui se passe à plus courtes distances, à plus hautes énergies, plus tôt dans l'histoire de l'Univers, ils ont eux aussi une limite en énergie. En effet, ils s'appuient sur le mariage de la relativité restreinte et de la mécanique quantique pour décrire les trois interactions fondamentales pertinentes au niveau subatomique, l'interaction électromagnétique, l'interaction forte et l'interaction faible. Ce mariage relativiste et quantique porte le nom assez compliqué de théorie quantique des champs. Mais pour inclure aussi la quatrième relation fondamentale, la gravité, il faudrait être plus ambitieux et unir la mécanique quantique et la relativité générale. C'est nécessaire pour décrire complètement certains phénomènes de l'infiniment grand. Par exemple, au voisinage des trous noirs, on pense que des particules sont émises sous forme d'un rayonnement dit de Hawking qui s'explique uniquement en combinant relativité générale et mécanique quantique. Une description unifiée des quatre interactions est aussi nécessaire quand on remonte à un millionième de milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde après le Big Bang. Une difficulté principale de ce mariage est que la gravitation obéit à la théorie de la relativité générale d'Einstein, alors que les trois autres interactions sont décrites par la théorie quantique des champs, et les structures de ces théories sont très différentes. À l'heure actuelle, il n'existe pas de théorie aboutie vérifiable et exploitable pour effectuer ce mariage, mais diverses pistes existent et sont en cours d'investigations. Concevoir c'est bien, mais calculer c'est mieux. Et pour fournir des prédictions théorifiables, les théoriciens de l'infiniment petit et de l'infiniment grand utilisent aussi des outils de calculs communs. Si le papier crayon et le tableau noir sont encore utilisés, l'ordinateur est aussi devenu indispensable pour les théoriciens. Il peut s'agir de simuler le comportement d'étoiles ou de galaxies sous l'effet de la gravitation, de modéliser la formation de nuages de gaz et leur évolution dans l'Univers primordial, de comprendre la structure des noyaux et leurs interactions sur la Terre ou dans les étoiles, ou encore de calculer les effets de l'interaction forte quand elle assemble les quarks dans des particules composites. Ces simulations de grande échelle nécessitent souvent des puissances de calculs importantes, que ce soit avec des superordinateurs spécifiques ou bien auprès de centres de calculs régionaux ou nationaux, et bien souvent, ces outils sont exploités simultanément par les théoriciens des deux infinis. Nous avons donc vu que l'infiniment grand et l'infiniment petit partagent des concepts théoriques communs issus des deux grandes révolutions scientifiques du XXe siècle, la relativité et la mécanique quantique. Cette convergence est liée aux énergies très élevées nécessaires pour comprendre la structure de la matière aux plus petites distances, et pour déterminer l'évolution de l'Univers depuis ses premiers instants. En allant d'un infini à l'autre, les théoriciens peuvent emprunter des concepts de chaque côté afin d'élaborer de nouvelles idées. Ils peuvent aussi raffiner leurs moyens de calculs pour pouvoir comparer ces idées avec les expériences de l'infiniment petit et les observations de l'infiniment grand ; et ainsi progresser dans notre compréhension de ces deux domaines. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]