[MUSIQUE] Bienvenue à ce deuxième module de notre cours d'introduction à la physique des particules. Pendant ce module on va parler de la physique du noyau atomique et des applications de cette physique. On va visiter encore une fois les travaux pratiques nucléaires de l’Université de Genève pour voir un peu les expériences qui portent sur la radioactivité, et à la fin du module on visitera aussi une installation d'imagerie par résonance magnétique et une centrale nucléaire. Dans cette première vidéo, on passe en revue ce que l'on sait de la masse et de l'énergie de liaison des noyaux, ingrédients importants pour comprendre l'énergie énorme qui est stockée à l'intérieur du noyau. Les buts sont de vous faire connaître la nomenclature des noyaux et leur système périodique, et de vous faire savoir décrire qualitativement la masse et l'énergie de liaison des noyaux. Les expériences à la Rutherford ont établi l'image de l'atome que voici. Par contre, cette image n'est pas à l'échelle, comme vous savez, le noyau atomique est à facteur 10’000 plus petit que l'atome lui-même. Les expériences à la Rutherford réclament uniquement la compréhension des interactions électromagnétiques entre le projectile et la cible, parce que le projectile n'entre pas à l'intérieur du noyau. Mais des expériences de diffusion peuvent aussi élucider les propriétés nucléaires et établir ainsi un catalogue des propriétés, des interactions nucléaires qui sont responsables pour la liaison entre protons et neutrons à l'intérieur du noyau. Il ne faut toutefois pas confondre la force nucléaire avec la force forte que l'on avait introduite dans le premier module. La force forte lie les quarks à l'intérieur des hadrons par le biais d'échanges de gluons, et la force forte est telle qu'elle ne permet pas aux quarks et gluons de sortir des nucléons. Les nucléons par conséquent ne portent pas de charge couleur nette. Et les gluons ne peuvent pas les lier simplement. Alors la force nucléaire est une sorte de résidu de plus longue portée de la force forte. Elle est à peu près comparable à la force de Van der Waals qui est un résidu de la force électromagnétique entre molécules neutres. Comparons un peu les propriétés des atomes et des noyaux pour mieux comprendre pourquoi notre compréhension du noyau reste un peu qualitative par rapport à notre compréhension de l'atome. Alors, pour les atomes, la force électromagnétique est responsable de tenir l'atome ensemble, et ses propriétés sont extrêmement bien connues et sont relativement faciles à extrapoler du monde classique vers le monde quantique. L'étude des spectres atomiques a en effet donné naissance à la mécanique quantique comme vous savez, qui donne une explication qualitative et quantitative de beaucoup de phénomènes de la matière condensée. Et en plus, la constante de structure fine alpha, 1/137 à peu près, est faible, ce qui donne des bons résultats avec des calculs perturbatifs. Le noyau par contre, est tenu ensemble par la force nucléaire qui doit être forte parce qu'elle doit contrer la force de Coulomb qui essaie de séparer les protons. Elle doit être de portée courte, parce qu'on ne la voit pas en dehors du noyau. Elle n'a aucune analogie classique, alors seuls des résultats expérimentaux peuvent nous aider à comprendre la structure des noyaux. Et on utilise par conséquent des données expérimentales pour développer des modèles empiriques du noyau et de la force nucléaire. Nous revenons à la relation entre la force nucléaire et la force forte quand nous discuterons cette dernière. Alors voici le tableau périodique des éléments que vous connaissez sans doute. Les noyaux sont identifiés par la charge nucléaire qui correspond au nombre atomique dans ce tableau, et la masse nucléaire qui correspond au nombre de nucléons qu'ils contiennent. Alors le nombre de protons dans un noyau est égal à Z, à la charge nucléaire et le nombre de neutrons est donné par la différence entre la masse nucléaire A et la charge nucléaire Z. Les propriétés chimiques sont déterminées par les électrons de l'atome alors le tableau périodique que voici est organisé selon la charge nucléaire Z. Des noyaux avec le même nombre de protons, mais un nombre différent de neutrons sont appelés des isotopes. Ils ont des propriétés chimiques très similaires parce qu'ils ont le même nombre d'électrons. Des exemples sont l'uranium 235 et l'uranium 238 dont on va beaucoup discuter quand on parle de la fission, qui ont tous les deux 92 protons et un nombre différent de trois unités de neutrons. Vous connaissez aussi sans doute les isotopes de l'hydrogène qui sont l'hydrogène lui-même, le deutérium, ^2H, et le tritium, ^2H. Ils ont tous les trois un proton, et zéro, un ou deux neutrons associés. Des noyaux qui ont le même nombre de nucléons mais un nombre différent de protons sont appelés les isobares, comme ils ont la même masse nucléaire mais une charge nucléaire différente. Des exemples sont le carbone 12 et le bore 12, qui ont tous les deux 12 nucléons mais un nombre de protons différent d'une unité. Les noyaux peuvent aussi être excités à des niveaux énergétiques supérieurs. On appelle cela des résonances, ou parfois aussi des isomères. Naïvement, on penserait que la masse d'un noyau est tout simplement la somme des masses de ses ingrédients, c'est-à -dire que la masse d'un noyau caractérisé par une masse nucléaire A, et une charge nucléaire Z, serait Z fois la masse du proton plus (A-Z) fois la masse du neutron. Ceci n'est en effet pas si faux si on tient compte de la différence de masse entre le proton et le neutron qui est moindre. On obtient des masses nucléaires qui sont en effet à peu près cela, mais ils sont plus petits ce qui explique pourquoi les protons et les neutrons sont en effet liés à l'intérieur, ce qui ne serait pas possible si on ne gagnait pas d'énergie en les liant à l'intérieur. Alors, l'énergie de liaison, ∆M, est plus petite que zéro. Elle est définie comme la différence entre la masse du noyau et le calcul naïf par le nombre de protons et le nombre de neutrons. On utilise aussi souvent l'énergie de liaison par nucléon qui sort du même calcul en divisant par la masse nucléaire A. Cette énergie de liaison par nucléon est en effet de l'ordre de quelques méga-électronvolts, ce qui est beaucoup plus petit que la masse du proton et du neutron. Ce qui veut dire que les protons et neutrons évoluent avec des vitesses non relativistes à l'intérieur du noyau. Si on regarde la dépendance de l'énergie de liaison par nucléon de la masse atomique, on voit le graphisme que voici. Vous voyez que pour des noyaux légers avec masse atomique plus petit que 20 unités, l'énergie de liaison par nucléon oscille, mais augmente relativement rapidement avec la masse atomique. Entre masse atomique 20 et 60, B/A, l'énergie de liaison par nucléon sature, reste à peu près constant, et obtient en effet un maximum pour A autour de 60, c'est-à -dire le groupe de fer, constitué par le nickel, le fer et le cobalt. Là , l’énergie de liaison par nucléon est de l'ordre de 9 MeV par nucléon, et ceci donne à ce groupe de noyaux la propriété d'être le plus fortement lié. La moyenne générale est en effet à peu près 8 MeV par nucléon. L’énergie cinétique des nucléons est plus petite que cette énergie de liaison, sinon le noyau ne tiendrait pas ensemble, alors les vitesses de mouvement à l'intérieur sont non relativistes. Si on compare la longueur d'onde d'un nucléon non relativiste à l'intérieur à la taille du noyau, on peut se convaincre qu’en effet il est plausible d'avoir des protons et des neutrons à l'intérieur d'un tel système. L'énergie de liaison correspond à une longueur d'onde d'à peu près 2 fm, ce qui est de l'ordre de la dimension nucléaire. Ceci rend plausible de contenir des nucléons d'une énergie cinétique maximale d'à peu près 8 MeV, c'est-à -dire l'énergie de liaison ou d'une impulsion maximale d'environ 120 MeV. Si le noyau contenait par contre des électrons, ceux-là seraient relativistes, et leur longueur d'onde serait de l'ordre de 10^-12 centimètres, ce qui est deux ordres de grandeur plus grand que le rayon du noyau. Alors le noyau ne peut pas contenir des électrons. On a besoin d'un volume beaucoup plus grand que le noyau pour les contenir. Ceci est en accord avec les résultats de l'expérience de Geiger et Marsden que l'on avait commentés dans le premier module. Dans la prochaine vidéo, on parlera de la taille et du spin des noyaux. [MUSIQUE]