[MUSIQUE] De nombreux chercheurs et cliniciens ont pris la parole au cours de la dernière décade pour souligner le manque de traitements pharmacologiques dans le domaine du trouble du spectre de l'autisme. Plusieurs raisons expliquent cette absence de médicaments dans le domaine de l'autisme. Tout d'abord, les troubles du spectre de l'autisme sont un groupe très hétérogène, tant sur le plan clinique que sur le plan biologique. Ceci signifie que vraisemblablement, les médicaments sont susceptibles de fonctionner sur certains sous-groupes de patients avec un TSA mais pas sur d'autres. Il est donc difficile aujourd'hui de savoir avec la recherche actuelle sur une base purement diagnostique, clinique, quels sont les patients qui vont répondre à un médicament donné. Deuxièmement, la recherche moléculaire en autisme vise plusieurs cibles distinctes. Ainsi, dans certains cas, ce sont les protéines de transcription génétique qui sont ciblés. Dans d'autres cas, ce sont les mécanismes de structure ou d'adhésion des synapses entre elles, enfin, la transcription au niveau de la synapse même. À nouveau, seule une meilleure connaissance des sous-types de mécanismes incriminés dans l'autisme permettra à terme de développer des traitements spécifiques à un sous-groupe ou à un autre. On parle ici de médecine personnalisée. Troisièmement, les essais cliniques ciblent surtout les adultes et les adolescents, mais les médicaments qui visent le développement synaptique sont susceptibles d'être plus efficaces durant le développement cérébral précoce chez l'enfant ou même chez le très jeune enfant. Ceci fait dire par exemple à Elizabeth Berry-Kravis de Ruch University, je cite, « Il est très possible que nous aurions pu avoir des médicaments qui fonctionnent vraiment bien sur le développement, et que nous les ayons manqués en raison de la façon dont nous développons ces médicaments. » Quatrièmement, la plupart des essais cliniques ont comme variable le résultat de comportements ou des mesures d'anxiété soulignés par les parents. Peu d'études utilisent des mesures de cognition, d'apprentissage, de langage ou encore d'autres mesures liées aux symptômes cores ou neurodéveloppementaux du phénotype de l'autisme. Craig Ericsson, du Cincinatti Children Hospital Medical Center dit, et je cite à nouveau, « Beaucoup de bruit est fait pour attirer l'attention sur certaines molécules, mais je pense que ce que nous devons savoir pour avancer, c'est ce que font ces médicaments et qui ils aident potentiellement le plus, c'est cela qui est vraiment important. » Dans une étude sollicitant un large consortium de pédopsychiatres, de pédiatres et de pharmacologues sur la carence de médicaments dans le domaine de la pédopsychiatrie, l'autisme a été considéré comme le trouble pour lequel il y a une priorité pour le développement de médicaments dans le domaine de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent devant les troubles du comportement et la déficience intellectuelle. Maintenant que nous avons vu les défis par rapport au développement de nouvelles molécules, voyons quelle est la pratique actuelle des cliniciens en psychopharmacologie. Il existe actuellement deux axes de prise en charge thérapeutique. Le premier axe consiste dans le traitement des symptômes, des comportements associés à l'autisme ainsi que des comorbidités. Le second axe consiste en une approche neuromoléculaire en lien avec la compréhension des mécanismes neurobiologiques de l'autisme et des sous-types biologiques de l'autisme. Nous y reviendrons plus loin. Cependant, avant d'évoquer de façon systématique les différents types de médication, prêtons attention à quelques résultats d'une large étude qui s'est penchée sur la façon dont les personnes avec TSA ont été médiquées au cours des 40 dernières années, entre 1976 et 2012. Cette étude inclut plus de 300 000 personnes avec TSA, comptant 40 % d'enfants et 60 % d'adultes. Ces résultats doivent nous faire réfléchir. En effet, 23 % des personnes concernées recevaient plus d'un médicament. Les personnes les plus âgées et présentant des comorbidités recevaient plus de médicaments mais surtout plus de médicaments combinés. Dans l'ordre, les médicaments les plus fréquemment prescrits sont les antipsychotiques, les médications visant les problèmes d'attention, les antidépresseurs. Cependant, la palette des médicaments reçus incluait aussi des stabilisateurs de l'humeur, les anti-épileptiques, des sédatifs, des médicaments anti-hypertenseurs. La pharmacothérapie vise des symptômes qui ne sont pas au cœur des symptômes de l'autisme et des comorbidités. Les antidépresseurs par exemple n'ont pratiquement pas d'efficacité dans les troubles du spectre de l'autisme et devraient donc ne pas être prescrits, contrairement à ce qui est la norme actuellement ou alors que de manière très sélective. Finalement, fait intéressant, il n'y a eu au cours du temps que très peu de changements sur la façon de prescrire sur ces 40 dernières années. La dernière considération est que pour les études de pharmacologie dans le domaine de l'autisme, le plus fréquemment, ce sont des questionnaires qui sont rapportés par les parents qui sont utilisés dans la validation des effets. Ceci représente une sérieuse limitation, puisque nous savons aujourd'hui que ce type de questionnaire n'a pas la même sensibilité par rapport à des outils d'observation directe de l'enfant ou de l'adulte par un clinicien formé. Parmi les échelles les plus fréquemment utilisées pour l'évaluation des effets psychopharmacologies, il y a la Autism Behaviour Checklist, qui malgré une passation rapide reste pour certains items relativement générale et beaucoup moins sensible que des évaluations approfondies conduites par des experts dans le domaine de l'évaluation. En conclusion, nous l'avons vu dans cette séquence, malgré le besoin dans le domaine de la psychopharmacologie de l'autisme et des nombreuses questions soulevées par la pratique actuelle par les personnes en charge du traitement psychopharmacologique, des personnes affectées, le nombre de médicaments développés reste limité du fait d'une approche plutôt symptômatique des traitements et d'une documentation largement insuffisante des effets des différents traitements sur les personnes concernées. [MUSIQUE] [MUSIQUE]